Victoire et Frustrations (1914-1929) by Jean-Jacques Becker Serge Berstein

Victoire et Frustrations (1914-1929) by Jean-Jacques Becker Serge Berstein

Auteur:Jean-Jacques Becker, Serge Berstein
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Points
Publié: 2013-08-14T16:00:00+00:00


La crise monétaire de 1923-1924

cours moyen mensuel à Paris

COURS DE LA LIVRE

COURS DU DOLLAR

sept. 1923

77,83

17,14

oct. 1923

76,02

16,80

nov. 1923

79,72

18,22

déc. 1923

82,92

19,02

janvier 1924

91,20

21,43

février 1924

95,52

22,65

mars 1924

93,19

21,69

(8 mars 1924)

(122,60)

(28,74)

Dans ces circonstances, l’opinion réagit en évoquant des images empruntées à la guerre récente. L’offensive contre le franc est assimilée aux grandes offensives de la Marne ou de Verdun menaçant le territoire national. Dans cette atmosphère dramatique, Poincaré réagit par des mesures de salut public.

Dès janvier 1924, il annonce son intention de rétablir l’équilibre du budget, désormais unifié, par une série de décisions draconiennes : la réalisation de 1 milliard d’économies grâce à des réformes et à des simplifications administratives réalisées par décrets-lois, la création d’une caisse d’amortissement des pensions de guerre et surtout l’institution d’un « double-décime » sur les contributions, autrement dit une augmentation de 20 % des impôts directs. Mais ces mesures, adoptées par la Chambre fin février, si elles traduisent la volonté d’un assainissement monétaire dans la rigueur, ne peuvent, dans l’immédiat, mettre fin à la grave crise des changes qui se déroule parallèlement. Pour arrêter la spéculation et sauver le franc, le ministre des Finances Lasteyrie négocie un prêt auprès de la banque Morgan de New York (après que les gouvernements américain et britannique eurent opposé un refus aux demandes françaises) afin d’intervenir sur les marchés des changes et de faire remonter la devise française. La banque accepte d’intervenir à deux conditions (visiblement inspirées par le gouvernement des États-Unis) : que les projets fiscaux soient votés par le Sénat et que la France accepte les conclusions de la commission d’experts présidée par le général Dawes sur le problème des Réparations. À ce niveau, le problème financier constitue le moyen de pression qui permet à l’étranger de faire triompher ses vues sur la politique extérieure de la France.

Le Conseil des ministres du 9 mars 1924 voit le président du Conseil et le ministre des Finances prendre des engagements sur le redressement de la situation financière. La Banque d’Angleterre et la banque Morgan décident aussitôt de prêter à la France respectivement 4 millions de livres et 100 millions de dollars à 6 %, et, sans attendre la mobilisation de cet emprunt, la Banque de France intervient aussitôt sur les marchés des changes. Dès le 12 mars, la reprise du franc est spectaculaire. Pour l’opinion, Poincaré a remporté la victoire : il est l’auteur du « Verdun financier de 1924 », celui qui a su vaincre la spéculation contre le franc, comme les généraux avaient su, durant le conflit, vaincre les assauts de l’ennemi. Il est désormais auréolé de la réputation de grand thaumaturge des finances françaises qui le suivra jusqu’à la fin de sa carrière politique.

En fait, on peut se demander si la victoire financière de 1924 n’est pas une victoire à la Pyrrhus. D’une part, en révélant la fragilité financière de la France, elle a conduit à l’échec la politique de force en matière internationale représentée par l’occupation de la Ruhr et contraint Poincaré à accepter en matière d’affaires étrangères, une attitude plus souple, que celle défendue depuis 1919.



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